J.O. 93 du 19 avril 2003
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Texte paru au JORF/LD page 07056
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Avis sur le projet d'arrêté modifiant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations de cogénération et les installations utilisant des énergies renouvelables ou des déchets ménagers
NOR : INDI0301272V
La CRE a été saisie, le 21 février 2002, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et par la ministre déléguée à l'industrie, d'un projet d'arrêté modifiant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations de cogénération et les installations utilisant des énergies renouvelables ou des déchets ménagers.
2. Portée des dispositions envisagées
Ce projet d'arrêté a pour objectif de limiter à un seul contrat le bénéfice des dispositions introduites par les arrêtés tarifaires pris jusqu'ici en application de la loi du 10 février 2000, en faveur des installations susvisées. Il produit les effets suivants selon la situation des installations concernées :
- cas no 1 : si l'installation bénéficie déjà d'un contrat d'obligation d'achat au titre de la loi du 10 février 2000, ce contrat ne pourra pas être renouvelé aux conditions des arrêtés en vigueur ;
- cas no 2 : si l'installation bénéficie d'un contrat d'achat antérieur à la loi du 10 février 2000, le producteur peut demander à conclure un contrat d'obligation d'achat aux conditions des arrêtés en vigueur soit à l'échéance de son contrat, soit après avoir dénoncé son contrat au titre de l'article 50 de la loi. Ce contrat ne pourra toutefois pas être ultérieurement renouvelé.
La CRE regrette la possibilité offerte dans le cas no 2 de bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat au titre des arrêtés en vigueur, puisque cet avantage concernerait des installations qui auront déjà été rentabilisées dans le cadre du dispositif antérieur à la loi.
Le dispositif envisagé par le Gouvernement est par ailleurs incomplet : en effet, dans la mesure où le projet d'arrêté ne peut remettre en question le principe de l'obligation d'achat mis en place par l'article 10 de la loi, toutes les installations dont les contrats passés en application de la loi viendront à échéance bénéficieront encore de l'obligation d'achat, mais à des conditions qui ne sont fixées nulle part.
3. Impact économique pour les filières
Le projet d'arrêté ne change rien, à court et moyen termes, pour le développement des installations concernées, puisqu'il ne modifie pas les tarifs pendant la durée du contrat (12, 15 ou 20 ans selon les filières). L'analyse économique faite par la CRE pour chaque arrêté tarifaire et qui portait sur la durée d'un premier contrat est donc strictement inchangée, à l'exception de la filière éolienne.
En effet, dans l'avis de la CRE du 5 juin 2001, le taux de rendement interne sur fonds propres après impôts avait été calculé sur la base d'un fonctionnement pendant 15 ans au tarif de l'annexe 1, puis pendant 5 ans au tarif de l'annexe 2. La suppression de la possibilité d'un renouvellement de contrat au tarif de l'annexe 2 conduit à évaluer le TRI sur 15 ans seulement, ce qui le diminue de 2 % au maximum. Pour un site correctement venté, c'est-à-dire à partir de 2 600 heures, le taux passe de 20,1 % par an à 18,7 %, ce qui reste néanmoins excessif s'agissant d'un taux moyen calculé sur 15 ans sans risque de défaillance de l'acheteur.
4. Impact sur le service public
Pour apprécier l'effet de ce projet d'arrêté sur les charges de service public, et en raison du caractère incomplet du dispositif envisagé par le Gouvernement, la CRE a été contrainte de faire une hypothèse concernant les contrats d'achat arrivant à échéance. Compte tenu de la volonté affichée par le Gouvernement de ne pas octroyer de concours supplémentaires à des installations en ayant déjà bénéficié, la CRE s'est placée dans le cas favorable où, en tout état de cause, il ne sera pas consenti, à l'avenir, à ces installations de tarifs d'achat supérieurs à la valeur de marché de l'électricité qu'elles produisent.
Avec cette hypothèse, le projet d'arrêté devrait alléger, à long terme, les charges à compenser de la part relative aux contrats d'achat arrivant à échéance. Cette économie n'interviendra qu'à la première échéance d'un contrat d'obligation d'achat, soit en 2012. Ainsi, sur la période 2012-2020, prise comme base de calcul, l'économie s'élèvera à environ 494 MEUR, soit en moyenne 62 MEUR par an. Elle se traduira par une baisse de 0,14 EUR/MWh de la CSPE payée par tous les consommateurs français.
Si les installations ayant bénéficié d'un contrat d'achat antérieur à la loi du 10 février 2000 (cas no 2) ne pouvaient pas, à l'échéance de celui-ci, bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat au titre des arrêtés tarifaires, l'économie serait réalisée dès 2003. Elle s'élèverait, pour la période 2003-2020 prise comme base de calcul, à 2 332 MEUR répartis comme suit : en moyenne 108 MEUR par an, soit une baisse de la CSPE de 0,24 EUR/MWh de 2003 à 2011, puis environ 170 MEUR par an, soit une baisse de la CSPE de 0,38 EUR/MWh de 2012 à 2020.
Le projet d'arrêté a ainsi des conséquences positives sur les charges de service public, mais essentiellement à long terme, alors que des économies auraient pu être réalisées dès 2003 et être globalement supérieures.
Par ailleurs, il ne modifie pas le mécanisme des obligations d'achat qui ne permet pas de prévoir ou de contrôler les capacités de production qui vont être réalisées ni, par suite, le coût pour la collectivité et les conséquences sur le marché. L'engouement pour la filière éolienne, constaté depuis la signature de l'arrêté tarifaire correspondant, illustre les travers de ce mécanisme, que la CRE avait prévus dans son avis du 5 juin 2001. En effet, les rentabilités garanties par le tarif fixé ont entraîné un accroissement très rapide des demandes de raccordement (jusqu'à plus de 17 000 MW). Le développement massif de la filière éolienne que ce tarif risque de provoquer dans des conditions économiques particulièrement avantageuses entraînera un accroissement significatif des charges de service public à compenser dans les années futures, et donc du prix de l'électricité pour l'ensemble des consommateurs français.
La CRE souligne de nouveau qu'à politique énergétique donnée le choix d'un système fondé sur des appels d'offres tel que prévu à l'article 8 de la loi présente les avantages suivants, sous la réserve d'un cadre concurrentiel sain, c'est-à-dire en présence de nombreux investisseurs indépendants :
- la puissance publique conserve la maîtrise du volume des capacités de production réalisées et la possibilité d'orienter l'implantation géographique des projets, ce qui permet à la fois de mener une politique d'aménagement du territoire et de mieux gérer le seuil d'acceptabilité des unités de production par les populations ;
- la puissance publique peut conserver le contrôle d'autres critères de qualité des projets, comme l'efficacité énergétique ou la proximité des réseaux ;
- les prix ressortant des appels d'offres :
- prennent mieux en compte les diverses subventions dont a pu bénéficier un projet, évitant leur cumul et, donc, des rentes indues ;
- bénéficient des progrès technologiques au fur et à mesure de ceux-ci.
5. Conclusion
Le projet d'arrêté examiné a pour objectif de limiter à un seul contrat le bénéfice des dispositions introduites par les arrêtés tarifaires pris jusqu'ici en application de la loi du 10 février 2000, en faveur des installations relevant de l'obligation d'achat. La CRE considère que cette disposition va dans un sens positif, même si son impact économique est faible.
La CRE estime toutefois que ce projet est très insuffisant ; il doit être complété car :
- il ne précise pas comment seront traitées les installations dont les contrats ne sont plus renouvelables et qui continueront pourtant de bénéficier de l'obligation d'achat à leur terme ;
- il maintient, pour les installations ayant déjà bénéficié d'un contrat d'achat antérieur à la loi du 10 février 2000, la possibilité de bénéficier à nouveau d'un contrat d'achat à un tarif avantageux, alors que leur rentabilité, assurée par les premiers contrats, leur permet ensuite de fonctionner avec de faibles coûts ;
- il ne procède à aucune modification qui remettrait en cause de façon significative les tarifs qui ont justifié les avis négatifs de la commission concernant les filières éolienne, photovoltaïque, cogénération et installations de moins de 36 kVA.
La CRE rappelle à cette occasion la nécessité d'une révision plus profonde du dispositif de soutien à la cogénération et aux énergies renouvelables par le recours à des mécanismes de marché, comme les appels d'offres ou les marchés de certificats verts, qui devraient permettre d'atteindre les objectifs recherchés au moindre coût pour la collectivité.
Fait à Paris, le 6 mars 2003.
Pour la commission :
Le président,
J. Syrota